Quand les vieux pensent aux “jeunes”

Au début du mois de novembre, le premier ministre Manuel Valls reprenait position en faveur du service civique obligatoire en ces termes :
« Il y a une telle énergie parmi nos jeunes, une telle volonté d’être utile ; il faut l’encourager, et lui donner des moyens de s’exprimer. C’est pour cela que je plaide pour un service civique obligatoire qui permette aux jeunes françaises et aux jeunes français d’agir ensemble pour l’intérêt général ».
Comment ne par rire en pensant qu’ajouter 3 mois de propagande gouvernementale en faveur des institutions en place ainsi que la mention « obligatoire » à un dispositif déjà existant puisse être vu comme un encouragement ?
Mais à l’hilarité s’ajoute la surprise puisque l’amendement de la loi égalité et citoyenneté prévoyant la mise en place de ce service civique obligatoire a disparu suite à son passage en lecture au Sénat au cours du mois d’octobre dernier.
On pourrait nous croire satisfait de cette disparition, mais la droite sénatoriale ne s’est pas seulement prononcée contre le service civique obligatoire « en raison notamment de l’incapacité matérielle et financière des structures d’accueil à le mettre en œuvre ». Mais ils ont eux aussi pensé aux jeunes en votant un amendement proposant un nouveau type de contrat aidé pour les moins de 25 ans : le « Contrat d’Emploi Appoint Jeunes » dont les revenus seraient exonérés de charges patronales et d’impôts dans la limite d’un RSA.
Ce contrat est ouvertement inspiré des mini-jobs à l’allemande, des contrats cumulables et soustraits à toute idée de salaire minimum, présentés comme étant largement responsables « du miracle économique » teuton. Seulement voilà, si l’Allemagne connaît actuellement un taux de chômage historiquement bas, c’est aussi, d’après l’OCDE, le pays développé où les inégalités et la pauvreté ont le plus progressé. Et on voit là un projet sur lequel la droite du Sénat et les socialistes du gouvernement s’accordent : augmenter la précarité au travail afin de réduire les chiffres du chômage coûte que coûte. Et ce projet sous-tend l’idée du C.E.A.J. et celle du Service Civique Obligatoire autant que celle de la loi travail.
Car ne nous y trompons pas, ces contrats précaires à destination des jeunes ne sont qu’une resucée du C.P.E. que nous avons déjà vivement refusé il y a de cela plus de 10 ans. Et ils constituent eux aussi, tout autant que les 3 mois de propagande gouvernementale prévu initialement, un projet d’endoctrinement. Il s’agit d’habituer la part la plus jeune de notre population à accepter les exigences du capitalisme néolibéral, de s’habituer à cumuler jusqu’à 5 contrats de 3h dans le mois, de s’habituer à voir le S.M.I.C. comme un horizon indépassable. Mais il s’agit aussi de mettre les travailleurs en compétition, toute réforme sur les retraites et sur le travail des jeunes finissant  par impacter les salariés dont le travail deviendra définitivement trop cher.
Ainsi le projet sénatorial est-il tout aussi préoccupant que le Service Civique Obligatoire, qu’il ne nous faut pas oublier. En effet suite à l’adoption du texte par le Sénat, et l’échec de la commission paritaire mixte à trouver un accord entre les deux chambres, ce sera à l’Assemblée Nationale, où le gouvernement possède la majorité, que la version finale du texte sera votée. Si le premier ministre reprend position sur le sujet cela nous montre que le projet n’est pas mort.

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