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Les Samedis à Calais

Samedi, nous sommes allés à Calais, comme tous les samedis depuis le dernier week-end de juin pour retrouver les exilés qui attendent au bord de ce continent une occasion de passer en « UK », mais les occasions sont rares : des centaines de CRS et de gendarmes et d’agents de la police aux frontières quadrillent Calais, les zones industrielles, les rues, les bois alentour pour expulser, démanteler la moindre tentative d’installation de campement.

Les grilles, les grillages se dressent partout, encerclent et enferment les Calaisiens dans leurs quartiers, mettent à la marge les réfugiés. Il leur reste peu de place pour s’installer  : quelques zones excentrées qu’il faut quitter au bout de quelques jours après s’être fait confisquer sa tente, lacérer son duvet, parfois s’être fait insulter ou gazer. Il n’y avait plus que 2 points d’eau pour 1000 personnes en juillet- deux points de distribution de nourriture, éloignés de plusieurs kilomètres. Et pour prendre une douche, il faut bien rajouter 6 kms de marche. Les exilés sont épuisés, démoralisés, désespérés.

On a retrouvé nos amis éthiopiens samedi, une dizaine d’exilés fidèles qui marchent une demi-heure pour nous rejoindre, comme tous les samedis  : on s’installe avec eux, on mange quelques gâteaux, on boit du thé, on mesure leur fatigue à leurs visages tendus, fripés, crispés. Et samedi, ça avait l’air dur, ils n’arrivaient pas à se décoller du grillage contre lequel ils étaient adossés, il y avait des pansements sur des mains, des cicatrices douloureuses, des blessures faites en escaladant les grillages. Il y avait une grande lassitude. On leur a proposé de les embarquer pour deux jours. On a repris les hébergements dans les familles lilloises depuis 2 week-ends, c’est ça qu’on vient leur proposer tous les samedis  : un week-end de repos dans une famille, deux nuits dans un vrai lit, une longue douche, des repas, du calme ou un moment pour échanger, de la musique, des conversations. Ils repartent le lundi un peu reboostés, ils disent souvent qu’ils ne pensent plus à Calais pendant deux jours et que ça leur fait du bien. A l’heure où le ministre de l’Intérieur Darmanin décide de faire interdire la distribution de nourriture par les assos de la ville, où la maire de Calais Nathalie Bouchart, jamais en panne d’inspiration pour maltraiter les «  migrants  », réclame la création d’une «  zone d’expérimentation  », un «  secteur géographique à définir pour juguler les flux migratoires et à lutter contre les troubles à l’ordre public  », à l’heure où il serait question de remettre à l’ordre du jour le délit de séjour irrégulier, supprimé par Manuel Valls, en 2012, à l’heure où l’Angleterre renvoie en France par charters les exilés arrivés sur les côtes par les «  small boats  » , on se dit qu’il va falloir qu’on continue sans faiblir, qu’il faut tenir, résister, donner son temps et son énergie pour ces venus du bout du monde et nés du mauvais côté de la mer.

Anne du collectif Migraction, Lille

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