Pendant le confinement un des arguments avancés par le président Macron lors de son allocution du 11 mai ou à diverses reprises par le ministre de l’Éducation nationale et les médias qui se faisaient l’écho de leurs propos pour rouvrir les écoles était la nécessité de réduire les inégalités que le confinement ne faisait que renforcer : inégalités pédagogiques, certes, mais aussi sociales. Ainsi les conséquences liées à la fermeture des cantines ont été évoquées à diverses reprises : certains enfants ont eu faim puisque le repas du midi de la cantine est généralement leur seul vrai repas complet de la journée.
Il est intéressant d’observer que ce constat – la nécessité de bénéficier ce repas pour les enfants de milieux défavorisés – ait pu devenir un argument politique du gouvernement. Il a eu, au moins, le mérite de mettre en lumière l’importance de la restauration scolaire dans le quotidien de certains enfants et vient relancer le débat autour de la question du financement du repas des cantines.
La cantine à 1€
En septembre 2018, dans le cadre du plan national de lutte contre la pauvreté le président Macron avait annoncé une mesure importante : la cantine à 1 euro. Selon le ministère de la Santé, ce dispositif devait concerner entre 60 000 et 120 000 enfants.
En France, les prix des repas à l’école primaire sont fixés par les communes. Or nombre de petites communes rurales n’adaptent pas les tarifs des cantines : elles ne proposent aucune tarification en fonction du revenu des familles. Seulement un tiers des communes de 1 000 à 10 000 habitants pratique une tarification sociale dans les cantines, contre 81 % des communes de 10 000 à 100 000 habitants.
Le concept est simple : « L’État veut encourager les communes les plus fragiles à mettre en place une tarification sociale dans les cantines des écoles élémentaires. Si celles-ci s’engagent à participer au dispositif, elles recevront une aide financière de deux euros pour chaque repas facturé un euro maximum aux familles. En moyenne, un repas coûte sept euros et revient à environ trois euros aux parents.
Les collectivités éligibles qui disposent déjà d’une tarification sociale peuvent bénéficier de cette aide depuis le 1er avril 2019.
Ce dispositif concerne seulement les communes bénéficiaires de la fraction cible de la dotation de solidarité rurale (DSR), soit les 10 000 premières communes rurales les plus défavorisées. Au total, près de 3 400 communes et 500 intercommunalités peuvent prétendre à cette aide.
Un dispositif rejeté dans le Coglais
À notre connaissance, on constate qu’aucune commune de Couesnon Marche de Bretagne n’a mis en place les tarifs différenciés en fonction des revenus familiaux. Pire, certaines communes, pourtant bénéficiaires de la fraction cible de dotation de solidarité rurale, refusent de mettre en place le dispositif « cantine à 1 euro » (Maen Roch, Saint Marc le Blanc, Saint Hilaire des Landes, Chauvigné, les Portes du Coglais, Saint Germain en Coglès, Val Couesnon). Pour quelles raisons font-elles le choix délibéré de ne pas appliquer de tarification sociale ? Sur quels arguments fondent-elles leur décision ? De quoi ont-elles peur exactement ? Que les familles en difficulté abusent d‘un droit qui leur est pourtant dévolu et voulu par l’État dans le cadre d’un dispositif politique de lutte contre la pauvreté ? Que de cet abus en découlent d’autres ? Pourquoi ne pas prendre exemple sur une commune proche : Saint Aubin du Cormier a mis en place depuis plusieurs années une tarification sociale de la restauration scolaire et des services périscolaires. En 2019, les familles les plus modestes payaient 1,21 euro le repas. On ne note aucun débordement social, aucune autre revendication ; simplement, ce dispositif permet à des familles d’éviter des dettes de cantine, phénomène en progression, semble-t-il, tout comme elle permet à certains enfants de manger correctement le midi.
Et si on allait plus loin ?
Il est invraisemblable et incompréhensible que certaines communes du Coglais refusent de faire la demande de ce financement qui revient de droit aux familles les plus en difficulté. L’aggravation de la crise économique que le gouvernement nous annonce pour l’automne remet singulièrement en question la politique sociale des communes qui ignorent ce dispositif.
Il est regrettable que l’argent proposé par l’État dans le cadre de la lutte contre la pauvreté soit inemployé et dorme dans les caisses. Il est question ici d’une répartition des moyens nécessaire pour équilibrer les niveaux de vie, les manières de vivre, et il est surtout question de permettre à des enfants de faire un repas complet.
En poussant la réflexion, avec Paul Ariès, défenseur de la gratuité des services, on pourrait même se prendre à rêver d’une gratuité totale en matière de restauration scolaire, pour tous les élèves, indistinctement, ce qui permettrait de gommer les différences sociales et de faire en sorte qu’aucun parent ne soit embarrassé d’être en situation de bénéficier d’une aide sociale.
Ce serait, selon Ariès, une véritable « gratuité d’émancipation », basée sur le « bon usage » !