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Un combat écologiste

Le combat écologiste fait historiquement partie de l’identité du combat libertaire, et il constitue à nos yeux un des fronts majeurs de la lutte révolutionnaire. Le niveau de pollution, de destruction de l’environnement, de déstabilisation des écosystèmes de la planète donne aujourd’hui au combat écologique une importance primordiale.

Le capitalisme a entraîné une rupture dans le rapport entre l’homme et la nature. La dynamique qui lui est propre repose sur la nécessité d’une croissance continue de la production, et celle-ci s’opère grâce à une saignée permanente des ressources naturelles. La logique productiviste a causé des destructions massives, une dégradation générale du cadre de vie, et d’importants déséquilibres écologiques. Destruction de la couche d’ozone, déséquilibres thermiques de l’atmosphère («  effet de serre  »), dépérissement des forêts dans l’hémisphère nord («  pluies acides  »), pollution des eaux douces par les rejets industriels et agricoles, multiplicité des catastrophes industrielles (chimiques et nucléaires), destruction des forêts équatoriales, extension des déserts… la civilisation productiviste nous prépare pour demain un avenir noir.

Les gouvernements, les partis au pouvoir, les organismes internationaux multiplient les déclarations, prennent des demi-mesures qui préservent les intérêts essentiels des multinationales pollueuses, mais sont largement inefficaces pour lutter contre les destructions de la nature.

Face aux problèmes écologiques, les aménagements du capitalisme ou des sociétés bureaucratiques se révèlent inapplicables, tant ces systèmes économiques sont construits autour d’une logique productiviste. Cette logique a détruit l’objectif «  naturel  » de la production, la satisfaction des besoins des producteurs. Cette logique conduit l’humanité dans une impasse.

L’activité humaine approche des limites supportables par l’écosystème «  Terre  ». De très lourdes menaces pèsent sur la planète. Il y a contradiction entre le maintien d’une économie capitaliste productiviste et la survie de l’humanité.

Aussi le combat écologiste ne peut pas seulement s’inscrire dans les luttes, bien sûr nécessaires, contre les pollutions et les dégradations les plus flagrantes. Un écologisme conséquent ne peut qu’être radicalement anticapitaliste. Il doit s’en prendre à la logique et à la nature même du système, et lui opposer un autre modèle de développement, une autre conception du travail et des technologies, une autre forme de consommation, et bien évidemment un autre rapport entre la société et la nature. La lutte écologiste peut inspirer un projet de société globalement alternatif au capitalisme, et un projet de vie fondé sur un lien profond, retrouvé et renouvelé, entre les hommes et la nature. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de tomber dans le mythe d’une nature «  pure  » détruite par l’homme. L’homme, ses activités créatrices et productives font partie de la nature. La planète terre, sa flore et sa faune n’ont jamais constitués un système figé, mais au contraire ont été le siège d’une évolution constante, d’un équilibre dynamique de ses composantes.

Mais l’évolution technologique du XXe siècle a créé une situation nouvelle. L’homme est aujourd’hui en capacité, s’il ne maîtrise pas son développement, de créer une rupture, un déséquilibre brutal de la planète. Le XXe siècle a vu la pollution «  acceptable  » (c’est-à-dire supportable par l’environnement) produite par l’activité humaine, se transformer en déséquilibre mettant en danger l’avenir de l’humanité. Les mesures sectorielles ne peuvent rien contre la montée générales des déséquilibres. C’est à la cause du mal qu’il faut s’attaquer.

Or ce n’est pas l’action prioritaire dans les institutions politiciennes, ni la seule intervention de spécialistes qui peuvent régler les problèmes urgents révélés par l’écologie. De grandes mobilisations de masse sont nécessaires. Et les thèmes de l’écologie doivent être repris en compte par le mouvement ouvrier. Et ceci d’autant plus que les travailleurs sont les premiers frappés par les désastres écologiques, dans la production et dans leur vie quotidienne.

L’humanité se doit de maîtriser sa croissance démographique, de contrôler sa production industrielle, sa consommation en énergie fossile, de réinventer une agriculture qui n’épuise pas les ressources en eaux et les sols. Le productivisme est fondamentalement incompatible avec une telle évolution. D’une part, parce qu’il nécessite une croissance explosive de la production, de la consommation et de la population. D’autre part, parce qu’il repose sur des sociétés profondément inégalitaires, incapables de gérer collectivement une répartition harmonieuse des richesses disponibles.

Le combat écologique, parce qu’il n’a pas de sens sans l’affirmation de la nécessité d’un autre type de développement, est inséparable du combat pour une démocratie directe et pour une égalité économique.

Les mobilisations écologiques sont appelées à prendre des développements importants. Les victoires partielles qu’elles peuvent obtenir sont importantes, mais elles ne prendront tout leur sens que si elles permettent d’affaiblir l’emprise idéologique du productivisme sur les populations, si elles s’accompagnent du développement de la démocratie et de la solidarité à la base de la société, si elles sont un pas en direction d’un autre modèle de développement.

Le combat écologiste, en partant d’un angle différent, peut et doit donc se lier aux luttes de classe, dans une contestation globale du capitalisme.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire

Un combat contre toutes les aliénations


Notre combat n’est pas seulement tourné contre une certaine forme de production matérielle et sa domination sur le travail, la société, le monde, et la nature. Nous sommes porteurs d’aspirations libertaires qui dépassent la seule lutte de classe. L’émancipation de chaque individu n’est pas pour nous une perspective secondaire mais l’objectif majeur de la lutte sociale. Loin de les opposer, nous affirmons que la lutte pour la libération, la liberté individuelle, ne peut avancer sans le concours des luttes collectives.

Depuis des millénaires, des oppressions et des aliénations étouffent l’épanouissement de chaque individu et de nombreux groupes sociaux : le racisme, la xénophobie, l’oppression des femmes, l’ordre moral qui s’exerce notamment contre l’homosexualité, les conformismes culturels…

Ces aliénations, le capitalisme ne les a pas générées, mais elles le servent comme autant de moyens pour cimenter sa domination, en opprimant les facultés créatrices et vitales de chacun, et en distillant les haines et les divisions dans la population.

Les religions comptent parmi les principaux vecteurs des aliénations : par la vision du monde qu’elles proposent par les formes hiérarchisées qu’elles se sont données, par leur prétention à enserrer la vie de chacun dans un réseau de dogmes, de tabous et de règles imposées. Nous sommes certes pour la liberté du culte, nous respectons les choix de chacun, et nous dénonçons les persécutions et les interdictions. Mais nous refusons toute emprise des religions sur la société et nous voulons les soumettre à une critique radicale.

Nous sommes donc partisans d’une lutte globale qui prenne à partie toutes les formes d’aliénation et d’oppression, et qui se donne pour finalité le respect absolu de l’identité de chacune et de chacun, que tous puissent vivre, aimer, travailler, créer, s’exprimer librement, sans barrière de race, de sexe, de nationalité, d’âge ou de mode de vie, que tous puisse trouver une place dans la société humaine, s’y épanouir et disposer de moyens d’existence satisfaisants.

Si le capitalisme soutient, tout en les renouvelant, des aliénations multimillénaires, il est lui-même porteur d’aliénations spécifiques. Au travail, où l’individu est parcellisé, dominé et réduit au statut de marchandise. Dans le rapport de l’homme à la nature. Dans la vie quotidienne, où le mode de consommation est déterminé par la logique des profits.

Nous sommes donc pour que s’épaulent les luttes de classe et les diverses luttes contre les aliénations, sans réduire celles-ci aux conditions des premières. La destruction de l’ordre capitaliste, la construction de nouveaux rapports sociaux égalitaires et libertaires, apporteront les bases nécessaires – même si elles ne sont pas à elles seules suffisantes – à une ère d’émancipation.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire

Un combat contre l’oppression des femmes

L’oppression des femmes trouve un appui décisif dans le capitalisme, qui impose dans les entreprises l’inégalité entre les hommes et les femmes, et dans de nombreux cas brimades et exploitation sexuelle.

La lutte pour l’émancipation et pour l’égalité des femmes est un des thèmes essentiels du combat libertaire, indissociable pour nous de l’anticapitalisme et de l’antiétatisme.

Cette lutte a déjà imposé des transformations réelles dans les consciences et dans la vie, grâce aux mobilisations massives des femmes dans les années 70 et 80. Aujourd’hui, ces acquis sont plus ou moins remis en cause notamment par des pressions constantes contre le droit à l’IVG. Nous devons défendre ces acquis, dans et hors des entreprises, et les élargir encore.

Partout où du terrain a été gagné s’exerce la pression contraire, qui vise à déposséder les femmes de la maîtrise de leur vie, de leur corps et de leur sexualité, et qui cherche à les reléguer à une place subalterne et soumise conforme à l’image traditionnelle de la femme.

Une pression qui trouve dans les systèmes en place, et notamment dans les Églises de diverses confessions, des soutiens actifs.

Aussi la lutte contre l’oppression des femmes est-elle un de nos combats majeurs, dans et hors des entreprises, en lien avec la lutte de classe.

C’est pourquoi nous rejetons la conception traditionnelle du militant ouvrier et révolutionnaire dont la disponibilité pour la cause est fondée sur le confinement domestique d’un des conjoints. Une forme nouvelle, alternative, de militantisme est à découvrir et à expérimenter par les hommes et les femmes qui ne reproduise pas à l’intérieur du mouvement d’émancipation, les rapports patriarcaux et les aliénations domestiques.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire

Un combat anti-étatiste


Nous refusons le mythe de l’État républicain, neutre, démocratique, au-dessus des intérêts particuliers. L’État, c’est au contraire l’organisation de la violence politique des classes dirigeantes qui s’impose à la base de la société. L’État républicain, comme tous les États, est une structure pyramidale et centralisatrice où le pouvoir s’exerce du haut vers le bas. L’État est par nature centralisateur, oppressif, uniformisateur. Arme des classes dirigeantes, il encadre, forme, quadrille, corrige et réprime la population.

L’État moderne est un État capitaliste. Il est même le corps central du capitalisme, conçu pour en gérer les grands mécanismes, tissant des liens inextricables avec le capitalisme privé, et lui-même entreprise capitaliste parmi les plus puissantes, générant une classe technobureaucratique.

L’État français repose sur l’équation « Nation-Patrie-État » construite au prix de l’écrasement des spécificités culturelles, régionales, locales, au profit d’une culture centrale, dominante, appauvrie.

Dans le cadre de l’intégration européenne, ce processus est partiellement remis en cause : la déconcentration-décentralisation transfère quelques pouvoirs aux notables régionaux et départementaux. Mais cela ne modifie pas notre analyse. L’Europe, qui se construit réduit (et réduira plus encore) les particularismes. Elle centralise (et centralisera toujours plus) les pouvoirs essentiels à la pérennité du système. Les niveaux géographiques de l’État se transforment pour mieux répondre à l’internationalisation du capitalisme. Nous affirmons que capitalisme et démocratie sont antinomiques, que celle-ci ne peut pas se construire comme système politique sur le socle d’une production par essence inégalitaire. La société capitaliste moderne est marquée par la contradiction entre sa prétention à prendre en charge les intérêts collectifs de toute la population, et sa finalité réelle, au service des privilégiés. La lutte pour une démocratie authentique est un des enjeux majeurs de la lutte de classe sur les bases d’une transformation du mode de production actuel.

Nous critiquons donc le caractère illusoire et mensonger de la « démocratie parlementaire » qui masque le pouvoir du mode de production capitaliste sur la société. La possibilité de choisir les dirigeants de l’État et les législateurs ne peut être dissociée de la structure hiérarchisée de l’État, ni de sa fonction de gestion du capitalisme. Le système parlementaire fait du citoyen un électeur passif, qui délègue son pouvoir à des dirigeants qui ne pourront pas agir contre les intérêts essentiels des classes capitalistes.

Nous ne renvoyons cependant pas dos à dos dictatures et démocraties parlementaires. Celles-ci sont les produits d’un compromis – avantageux pour le système, façonné par lui – entre les aspirations et les luttes démocratiques portées par la population et le prolétariat, et les intérêts des classes dominantes, qui ont besoin d’un consensus politique minimum. Aussi l’État moderne parlementaire est-il porteur de contradictions importantes. Ce sont les luttes menées depuis deux siècles qui lui ont imposé la liberté d’expression et d’organisation, le suffrage universel, le suffrage des femmes. Ce sont elles aussi qui lui ont imposé la prise en charge d’une dimension sociale et solidaire, et une conception égalitaire des services publics. L’État moderne est l’enjeu de luttes et de tensions de classe contradictoires, les unes visant à l’extension de ces droits, les autres à leur remise en cause. Ainsi nous nous opposons à la privatisation des services publics, qui remet en cause toute logique d’utilité sociale.

Aussi ne sommes nous pas des abstentionnistes de principe. Tout en affirmant qu’aucun changement radical profitable au prolétariat ne peut être apporté délibérément par des élus, nous n’excluons pas a priori la possibilité de voter ou d’appeler à voter, dans certaines conditions, pour tel ou tel candidat, tout en rappelant notre critique radicale de l’électoralisme et notre priorité absolue aux luttes sociales.

Notre combat est anti-étatiste. Il oppose à l’État capitaliste et parlementaire un projet alternatif, pour une démocratie autogestionnaire et fédéraliste reposant sur la collectivisation des grands moyens de production.

Cet anti-étatisme s’exprime dans les révoltes et les combats contre l’armée et la militarisation de la société, contre l’ordre policier, contre l’injustice, contre le régime carcéral et contre le système éducatif actuel.

Il participe aux luttes contre toutes les dictatures, et aux luttes pour étendre les libertés démocratiques dans les systèmes parlementaires, en affirmant que l’exigence démocratique est en rupture avec l’appareil d’État et avec le système social qu’il défend.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire

Une stratégie reposant sur les luttes sociales et leur autogestion


Seules les luttes directes menées à la base peuvent imposer de véritables transformations contraires aux intérêts capitalistes. Nous opposons une stratégie de luttes sociales motrices des changements à la stratégie social-démocrate de transformations opérées depuis les institutions étatiques par les partis politiques.

Les acteurs et les décideurs de ces transformations ne sont donc pas les dirigeants politiques ou les minorités militantes, mais les travailleurs, la jeunesse, la population, s’inscrivant dans des mouvements de masse qui associent sans élitisme le plus grand nombre possible de concernés.

L’autogestion des luttes, le pouvoir aux Assemblées générales, leur coordination démocratique, sont les conditions et les formes nécessaires pour que la base remplisse ce rôle de décideur collectif. De multiples expériences ont démontré la validité de la démocratie directe.

Les militants peuvent apporter une aide décisive au déclenchement et à la conduite des luttes de masse. Loin de nier leur importance et la nécessité de leur action, nous proposons aux minorités conscientes et actives une conception autogestionnaire du rôle des animateurs des luttes. Placés souvent en situation active, organisateurs, porte-parole, coordonnateurs, délégués, l’intervention des militants autogestionnaires est nécessairement contradictoire, puisqu’elle tend en même temps à l’autodirection des mouvements par la base, à la prise de parole par tous, qu’elle fait appel à la prise de conscience et à la responsabilisation collective. Cette dialectique vivante est nécessaire. Elle peut permettre d’éviter deux écueils : celui du dirigisme, et celui d’un spontanéisme où les minorités refuseraient d’assumer leurs responsabilités.

L’autonomie ouvrière, et plus largement celle de tous les mouvements sociaux, est nécessaire à cette affirmation de la base sociale comme sujet maîtrisant ses luttes. Autonomie par rapport aux institutions étatiques et aux pouvoirs patronaux. Autonomie par rapport à toute forme de direction extérieure.

Les luttes sociales ne se limitent pas à celles que les travailleurs mènent dans les entreprises. La remise en question globale du système passe aussi par d’autres mobilisations de masse autogérées : celles de la jeunesse, des chômeurs et précaires, les luttes sur l’habitat, le cadre de vie, l’écosystème, les droits des femmes, les luttes contre le racisme…

Dans une telle conception des luttes sociales, nous donnons la priorité, non pas à la radicalité idéologique, mais à la possibilité de mobiliser, de faire agir, débattre collectivement des franges importantes des travailleurs, de la population.

Une révolution autogestionnaire ne pourra se construire sans l’affirmation d’une volonté massive de la société. L’impact de nos luttes d’aujourd’hui sur la conscience collective dépendra bien évidemment de nos capacités à développer des pratiques autogestionnaires et alternatives à un niveau de masse.

Dans cette optique, nous combattrons les tentations avant-gardistes, les minorités s’autoproclamant représentantes de la base. Il s’agit dans un premier temps de construire des mouvements réellement représentatifs, tout en y avançant des propositions visant à dépasser leurs limites propres (isolement, corporatisme,…) et en y soutenant des orientations autogestionnaires.

Cela ne signifie pas la condamnation de toute action minoritaire, mais cela signifie que toute action minoritaire doit s’inscrire dans une perspective d’élargissement à un niveau de masse.

Nous affirmons que les luttes revendicatives – dont les objectifs ne sont donc pas, par définition, révolutionnaires – peuvent entraîner la mobilisation massive des exploités et permettre des prises de conscience et des expérimentations concrètes d’auto-organisation porteuses de ruptures anticapitalistes.

De grands objectifs de transformation, des projets alternatifs, portés par des mouvements de masse, peuvent faire avancer l’aspiration à un changement global de société.

De même des réalisations alternatives, des coopératives et des activités associatives autogérées, peuvent être porteuses d’une remise en question globale de la société, si elles savent rester en lien avec les travailleurs, la population, les luttes de classe.

Nous ne sommes donc opposés en soi ni aux revendications ni aux réformes. La ligne de démarcation entre « réformisme » et « lutte de classe » se situe à nos yeux entre réformes arrachées par des luttes autonomes, ou réformes octroyées délibérément par les pouvoirs ou négociées à froid.

On ne saurait toutefois trop dénoncer la faculté de récupération du système capitaliste, et sa capacité à remettre en cause ultérieurement tout ce que les rapports de force peuvent lui imposer.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire

Un combat syndicaliste révolutionnaire

La lutte revendicative passe le plus souvent dans les entreprises par l’action syndicale. Nous préconisons la participation active au syndicalisme compris d’abord comme une certaine pratique de masse et de classe des travailleurs, mais sans anticiper sur les formes d’organisation que les travailleurs pourraient se donner dans le cadre d’un processus alternatif.

L’organisation syndicale étant, ou devant être, un outil au service de cette pratique de terrain.

Nous sommes conscients que le mouvement syndical est par nature – comme toutes les luttes menées contre le capitalisme dans une période non révolutionnaire – traversé par une contradiction entre intégration et rupture. Et que l’intégration génère une tendance lourde aux compromis sociaux et à la bureaucratie.

Nous défendons un syndicalisme révolutionnaire opposé aux pratiques, aux orientations, aux structures dominantes dans les organisations syndicales. Nous préconisons l’indépendance syndicale, la démocratie interne et le fédéralisme, le soutien à l’auto-organisation des luttes et le respect de l’unité ouvrière, une pratique interprofessionnelle et de solidarité internationale, et une finalité de transformation autogestionnaire de la société.

Le choix d’adhérer à tel ou tel syndicat appartient en toute liberté à chacun d’entre nous. Nous pouvons être conduits à inscrire notre syndicalisme révolutionnaire dans des cadres très différents : grandes confédérations d’orientation réformiste, structures syndicales plus petites ou plus sectorielles de lutte de classe, collectifs de travailleurs ayant une pratique de nature syndicale. L’essentiel est pour nous la possibilité réelle, offerte par telle ou telle structure, de faire un syndicalisme de masse dans l’entreprise, et l’existence de collectifs militants.

Notre syndicalisme se pense donc essentiellement en terme de pratique de terrain et s’inscrit d’abord dans les structures de base. C’est au service de cette activité des collectifs de base que des camarades peuvent être mandatés à tous postes et à tous niveaux par les adhérents et militants.

Syndicalistes révolutionnaires, nous refusons la division du travail social-démocrate entre parti qui s’occupe de la politique, c’est à dire aussi de toutes les questions de société, et syndicat cantonné aux revendications immédiates dans l’entreprise. Pour nous l’organisation syndicale doit être porteuse de sa propre stratégie politique de transformation de la société, élaborée en toute indépendance.

Enfin nous refusons le rôle de « courroie de transmission » que le léninisme veut imposer à l’organisation syndicale. S’il est naturel que le fait syndical comme tout les faits de société importants soit discuté partout y compris dans les courants politiques, nous réfutons la pratique de « fraction » qui conduit ses membres, quelle que soit leur opinion, à appliquer les positions majoritaires ou les directives de leur parti dans le syndicat.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire

Un combat internationaliste

Le capitalisme s’est construit à l’échelle mondiale. Une stratégie de lutte de classe serait donc impensable si elle se limitait à un seul pays. Les enjeux sont internationaux, et les mouvements sociaux ont là un retard important à combler. Un combat pour une orientation internationaliste est nécessaire, qui devra passer sur le corps de bien des résistances nationalistes et localistes.

Nous sommes résolument pour l’organisation de coordinations internationales sur toutes les branches d’activités et sur tous les fronts.

Un combat internationaliste passe à la fois par une solidarité et par des actions internationales. Solidarité internationale, avec les luttes du monde, avec les militants, entre les peuples. Actions concrètes coordonnées, unités internationales à construire pour s’affronter à des pouvoirs depuis longtemps multinationaux.

Un combat internationaliste vise donc à la multiplication des liaisons et des luttes, pour qu’émerge le projet d’une vaste solidarité des contre-pouvoirs ouvriers et populaires contre les classes dirigeantes de l’Est et de l’Ouest du Nord et du Sud.

La perspective est bien la refondation d’un nouveau mouvement international, anticapitaliste et anti-autoritaire, imposant une paix juste et le projet d’une planète entièrement démilitarisée où les frontières entre les hommes auraient été renversées.

Cet objectif est encore plus indispensable avec l’instauration d’un nouvel ordre mondial, sous dominance des États-Unis, et dans lequel les possibilités de chaque peuple sont de plus en plus limitées.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire

Un combat révolutionnaire

Nous sommes révolutionnaires c’est-à-dire partisans d’une transformation radicale de la société. La lutte de classe peut conduire à un renversement des priorités et des critères dans la société. Elle peut substituer des rapports de production autogestionnaires aux rapports capitalistes ; une démocratie autogouvernée et fédéraliste, à l’État ; un nouveau rapport mondial égalitaire, à l’ordre impérialiste.

Être révolutionnaire, cela ne signifie pas attendre passivement une rupture « inéluctable » : l’avenir n’est écrit nulle part, il sera ce que les hommes en feront, et à chaque situation historique le champ des possibles est largement ouvert. Il n’y a aucune raison pour que l’histoire ait atteint son stade ultime : le capitalisme ne sera pas la dernière forme de la société humaine. Mais un socialisme autogestionnaire ne lui succédera pas mécaniquement, au terme d’une « crise finale » à une seule issue possible.

Être révolutionnaire, cela ne signifie pas non plus se couper des conditions de vie et de lutte nécessairement limitées qu’impose le cadre capitaliste, tant qu’on ne l’a pas renversé. Nous refusons le « tout ou rien » et affirmons bien au contraire que la voie qui peut préparer une révolution future se trouvera au travers des contradictions de la société réelle, et de toutes les luttes partielles que l’on doit y mener.

La rupture révolutionnaire, le passage global d’une société capitaliste à une société autogérée nous paraît l’aboutissement d’un long processus historique de luttes de classe et de maturation des consciences, où les travailleurs et la population imposeront progressivement leur contre-pouvoir.

Révolutionnaires, nous ne sommes pas a priori partisans d’une solution violente. L’essentiel dans un processus de transformation est dans l’œuvre constructive, qui nécessite une autodéfense de la population pour préserver les acquis. Mais le degré de violence d’une révolution est d’abord choisi et imposé par les classes dirigeantes renversées. Elle peut donc être nécessaire. Il faut alors faire preuve de vigilance, pour se garder des excès et du danger de militarisation.

Excepté dans les situations de dictature ou d’occupation militaire ou coloniale, nous sommes opposés aux actions minoritaires violentes menées par des groupes armés coupés de la population et des travailleurs, et nous sommes notamment opposés aux attentats mettant en jeu la vie des personnes. L’action minoritaire armée, menée dans ces conditions, conduit au face à face avec l’État ; elle légitime le renforcement de celui-ci et conduit à un isolement paranoïaque.

Par ailleurs, dans le contexte de reflux des luttes, le système policier et judiciaire tend à criminaliser de nombreuses formes de luttes de masse. Aussi établissons-nous une ligne de démarcation claire entre les actions armées minoritaires isolées et les formes dures prises par les luttes des travailleurs et de la population pour la défense de leur acquis et de leurs combats.

De même, nous ne confondons pas l’action armée minoritaire avec l’illégalisme qu’impose aux organisations révolutionnaires et à la classe ouvrière un État fort niant le droit de grève ou de manifestation. Nous ne réduisons pas non plus l’action symbolique de minorités contre les images du pouvoir et de l’exploitation à un terrorisme aveugle.

Enfin, nous devons souligner que ce qui engendre l’action armée minoritaire c’est souvent le terrorisme d’État, notamment dans les pays colonisés ou du tiers monde.

Pour conclure, disons que la limite de l’action des révolutionnaires ne se fixe pas en terme de respect de la légalité imposée par l’État mais évolue en fonction de la conscience des masses en ce qui regarde la légitimité de l’action.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire

Le socialisme spontané des travailleurs

Notre conception du socialisme n’est pas le fruit d’une élaboration extérieure aux luttes du prolétariat. Nous affirmons au contraire que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont spontanément découvert et redécouvert les bases d’une société alternative au capitalisme, à travers leurs luttes et notamment dans les périodes révolutionnaires.

Dès la révolution française nous en discernons les premiers signes. Au cours de la Commune de Paris en 1871, en Russie et en Ukraine de 1917 à 1921, en Espagne de 1936 à 1937 se sont développées les bases d’un autre socialisme possible, finalement écrasé par une nouvelle bureaucratie ou par la bourgeoisie. Chaque expérience révolutionnaire, chaque temps fort des luttes de classe est venu confirmer cette aspiration à une société et à une production réappropriées par la base, depuis les entreprises collectivisées et autogérées et les communes libres, avec une fédération organisant la société nouvelle.

Tout un courant anti-autoritaire du mouvement ouvrier s’est inspiré de ce socialisme spontané des travailleurs et c’est de lui que nous nous réclamons. Force est de constater que ce sont d’autres courants qui se sont imposés pendant des décennies : des socialismes d’État – social-démocratie, léninisme, stalinisme –, qui se sont opposés aux aspirations du socialisme spontané. Et qui ont conduit le mouvement ouvrier à l’impasse.

Le socialisme spontané des travailleurs a ouvert une perspective extraordinaire pour l’humanité, en esquissant à travers des réalisations concrètes une forme supérieure de démocratie.

Mais les expériences historiques ont également révélé des limites et des faiblesses dont il faut tenir compte. C’est pour cette raison qu’un projet cohérent porté par une organisation de militants est aujourd’hui nécessaire pour poser les problèmes auxquels se heurte et se heurtera le socialisme spontané des travailleurs. Si l’existence d’un tel projet n’est pas une garantie infaillible, elle peut néanmoins aider le mouvement autogéré des masses à surmonter ses faiblesses et limites évitables.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire

Une alternative aux socialismes d’Etat


Nous affirmons qu’il faut rompre avec le socialisme d’État, se ressourcer aux racines spontanées du socialisme des travailleurs, y chercher les termes d’un nouveau socialisme antiautoritaire sans lequel il ne saurait y avoir de renaissance pour la lutte révolutionnaire.

La social-démocratie

La social-démocratie repose sur l’illusion de la démocratie formelle sous la forme républicaine, la croyance en un État « neutre », au-dessus des classes, et donc retournable en faveur des intérêts des exploités.

Il y a un double leurre : la promesse de diriger l’État capitaliste contre les intérêts capitalistes ; et la perspective d’une transformation progressive de la société, pacifique et légale, réformiste, par lois et décrets, du capitalisme au socialisme.

Il s’en suit une stratégie politique inscrite dans les institutions du capitalisme, respectueuse de celles-ci. La social-démocratie est d’abord un socialisme étatiste, reposant sur la délégation de pouvoir, profitant aux politiciens et aux classes dirigeantes, bureaucratiques, et technocratiques.

Le bilan de la social-démocratie est désastreux pour le prolétariat. Instauration de « paix sociales » où les travailleurs perdent leurs capacités de résistance, soumission des organisations syndicales aux impératifs de l’électoralisme et à ceux des politiques gouvernementales lorsque la gauche est au pouvoir.

La social-démocratie s’est peu à peu révélée : une forme de gestion du capitalisme intégrant toujours plus le credo libéral.

Le léninisme et le stalinisme

Projet d’une transformation révolutionnaire de la société sous la direction d’un parti dirigeant et par la concentration de toute l’économie aux mains de l’État, le léninisme, a également fait faillite en méprisant et en combattant l’essentiel du socialisme spontané des travailleurs, autogestionnaire et fédéraliste. Le bilan est terrible, et des dictatures sanglantes ont entaché le mot même de « communisme » dont le sens réel est pourtant radicalement opposé.

L’histoire l’a maintenant démontré : l’étatisation des moyens de production n’implique pas une rupture avec le rapport capitaliste dirigeants/dirigés mais le passage d’un capitalisme éclaté, concurrent, à un capitalisme d’État, avec à sa tête la constitution d’une nouvelle classe dirigeante et exploiteuse. L’étatisme ne peut être présenté comme une forme de transition entre le capitalisme et le socialisme mais comme une nouvelle forme d’oppression des travailleurs.

Aucun parti ne peut s’autoproclamer « l’avant-garde du prolétariat », prétendre représenter la conscience de toute une classe, se substituer à celle-ci dans la direction du processus révolutionnaire et dans celle de la société, imposer sa dictature aux travailleurs au nom de leur émancipation.

La forme centraliste, fortement hiérarchisée, du parti léniniste, logique avec sa fonction de prise du pouvoir et de direction d’un État contrôlant toutes les activités sociales, conduit à la tyrannie à l’intérieur de l’organisation, à l’écrasement de toutes les autres formations à l’extérieur de celle-ci, à la coupure dirigeants/dirigés entre le parti et les travailleurs, entre le parti et la société.

La stratégie de prise du pouvoir par le parti conduit également à des pratiques détestables dans le cadre des luttes quotidiennes : schéma de la courroie de transmission soumettant les organisations de masse et les syndicats aux directives du parti, dirigisme et centralisme dans la conduite des luttes, soumission des interventions de masse des militants à l’impératif supérieur de l’intérêt du parti.

Certes nous ne tirons pas un trait d’égalité entre stalinisme et léninisme. Celui-ci est un courant révolutionnaire, alors que le stalinisme est d’abord un système de défense d’une bureaucratie en place. Mais force est de constater que c’est le léninisme qui a permis l’instauration de cette bureaucratie, et qu’il a ouvert la voie aux crimes contre la démocratie et contre les travailleurs.

Les courants social-démocrate et léniniste constituent un leurre dans la mesure où ils promettent, chacun à leur manière, de diriger l’État contre les intérêts capitalistes et en faveur des travailleurs (réforme de l’État ou construction d’un État « ouvrier » ). Les expériences gouvernementales de la social-démocratie et le bilan globalement négatif du lénino-stalinisme d’État, sont le cimetière où reposent les illusions prolétariennes de « lendemains qui chantent » .

Social-démocratie et léninisme ne peuvent cependant se réduire à des semeurs d’illusions dans le mouvement ouvrier. Ils ont en effet trop souvent servis d’arme contre le socialisme spontané des travailleurs dans la mesure où leur venue au pouvoir, pacifique ou violente, a servi à résoudre au profit du capital les antagonismes de classe : gestion des crises par les sociaux-démocrates et développement du capitalisme d’État par les léninistes.

Pis, ces courants n’ont jamais hésité à assumer un rôle ouvertement contre-révolutionnaire. Allemagne 1918, Russie et Ukraine 1921, Espagne 1937-1939, Algérie 1954-1962 : autant d’exemples de leur participation à la répression sanglante des mouvements ouvriers révolutionnaires et des révoltes des peuples colonisés.

 

Extrait du manifeste pour une Alternative Libertaire